Guilia Isabella Costello

Caractère

acidbrain

Derrière l'écran

Une nuit difficile, passée à grelotter sous l’effet de la fièvre, en plein mois de Janvier 2002, voilà l’instant fatidique qui marquerait d’une pierre rouge le jour de ma naissance dans l’esprit de toute notre famille …

Ma mère, Maria Isabella avait déjà donné deux enfants vivants à l’amour de sa vie, Alessandro, et plus encore si l’on avait dû compter toutes ses fausses couches et ma sœur, mort-née. Et lorsqu’elle était tombé malade alors enceinte de 6 mois, les médecins n’avait pas donné cher de sa peau, ou de la mienne … S’ils avaient su ce que mon père était prêt à accomplir pour elle, ils n’auraient pas douté de nos chances de survies à toutes les deux ! Mes aînés avaient été placés dans l’une des familles les plus proches que nous avions alors, et durant les deux mois qui ont séparés l’annonce de sa pathologie et son accouchement, ma génitrice a été la plus entourés, que ce soit psychologiquement, sentimentalement, ou physiquement. Notre maison s’était transformée en un véritable petit hôpital, où il faisait bon vivre !

Mais ce 04 Janvier devait sonner le glas de leurs existences à tous : une coupure de courant généralisée dans notre quartier, fragilisé par un orage violent, avait fait sauter tous les plombs de la résidence, et plusieurs personnes passaient d’une pièce à l’autre en allumant des bougies lorsque Maria avait hurlé sous la douleur provoquée par mon arrivée imminente. Elle n’était pas seule alors évidemment, mais chacun s’était précipité à son chevet alors que sa voix raisonnait dans la nuit noire. Il était bien trop tard pour lui faire une anesthésie, et l’absence d’électricité rendait chaque geste de soutien médical plus délicat que prévu.

L’une des sages-femmes avait annoncé à mon père que l’imprévu de la situation la faisait plus précaire, et que son cœur déjà fatigué risquait de rendre les armes. Mais la pauvre femme n’avait pas été assez discrète, et ma mère l’entendit suffisamment pour déclarer haut et fort qu’elle ne laisserait jamais la vie l’abandonner avant d’avoir pu me mettre au monde. Une remarque que mon père exigeât qu’elle modifia pour retirer la fin de cette phrase ignoble où elle annonçait être prête à le laisser seul … Elle n’en fit rien bien sûr, se cachant sous le prétexte bien compréhensible de la douleur croissante dû aux contractions.

Et c’est aux alentours de 23h50 que ma voix fit se taire celle de ma génitrice, épuisée, terrassée par la douleur et la fièvre, et pourtant, oh combien heureuse de me voir et de me serrer dans ses bras. Elle tint encore suffisamment pour que le jour de ma naissance ne soit pas celui de son décès, mais finit par s’éteindre dans les bras impuissants de mon père qui nous tenait toutes les deux. Lorsque la machine annonça que son cœur avait cessé de battre, il se recula brutalement en m’emportant avec lui, et laissa le champ libre aux praticiens, qui finirent par déclarer sa mort clinique à 00h25 le 05 Janvier.

Moi bien sûr, je ne me rappelle de rien, et mon père n’apprécie pas d’en parler. Mais j’avais obtenus toutes les informations nécessaires au fil des années, passées à discuter de-ci, de-là avec les personnes présentes cette nuit-là. J’étais obstinée, curieuse et avec une soif croissante de connaissance, qu’il s’agisse de ma vie personnelle ou de sujets plus généraux.

J’ai pourtant eu une enfance heureuse, passée à jouer de l’influence que j’avais sur mon entourage. Mon père m’avait donné le nom que ma mère souhaitait, suivi de celui de la femme qu’il aimait, et aimerait toujours, même si les années passant il s’attacherait à d’autres. S’agit-il d’un rappel qu’il voulait constant du souvenir de la personne merveilleuse qu’elle avait été, ou de se rappeler qui avait emporté sa vie ? Je crois qu’il ne m’en a jamais voulu, après tout, c’est sa maladie qui l’avait rendu fragile. Non, je crois plutôt qu’il avait fini par accepter la fatalité de sa disparition, tous les évènements avait conduits à ce qu’il comprenne que son heure était venue alors.

J’ai toujours été intelligente, une élève douée, première de la classe, et enviée de la plupart de mes camarades, probablement à cause de mes tenues, de mon allure ou de la preuve flagrante des moyens de ma famille. J’ai d’abord très peu aimé d’avoir deux nounous armés qui m’emmenaient et venaient me chercher à l’école, mais j’ai fini par savoir comment tourner cela à mon avantage, et à user de la réputation que cet entourage me faisait pour devenir l’adolescente la plus populaire du quartier. Aucun ami ne venait jamais à la maison, c’était l’une des rares limites imposées par mon paternel, mais j’avais établi mon camp d’influence dans l’un des cafés branchés de la ville, et ils ont vite rentabilisés la présence d’hommes de mains devant les vitrines ou dans leur établissement.

A 17 ans j’ai quitté le lycée pour l’université et appris à devenir plus calme, moins capricieuse et plus maligne dans mon approche pour obtenir ce que je souhaitais … Plus manipulatrice en somme …
Le droit m’intéressait pour le caractère immuable des lois de notre pays et pour la facilité que l’on pouvait trouvé à jouer avec elles afin de changer la donne. J’aimais apprendre et impressionner mes camarades en étalant ma facilité à m’exprimer et à les embrouiller. Et puis j’avais quand même certains véritables amis en dehors de ma famille, avec qui je sortais parfois le soir ou allait courir dans le parc. J’avais trouvé un certain goût pour la littérature durant mes primes années du secondaire, et désormais, j’avais toujours un livre avec moi, quel que soit mon plan de la journée, deux minutes à ne rien faire me semblait trop interminable pour que je ne prévoie pas un plan de secours pour pallier à cet ennui !

Et puis il y avait ma vie dans la mafia ; sous la férule d’Alessandro, difficile à satisfaire et pourtant si fier de ma réussite. J’avais appris à me battre au corps à corps, à tirer à l’arme de poing et aux armes plus lourdes, j’avais obtenu le droit de porter constamment mon propre Beretta afin que deux personnes soit une mesure superflue pour assurer ma sécurité. Et j’avais prouvé à plusieurs reprises ma valeur sur le terrain même s’il n’aimait pas spécialement me savoir dans les lignes de tirs. J’avais réussi à montrer à tous que je n’étais pas une simple « fille de », que j’étais un élément important dans la vie de notre groupe, parfois même crucial vu ma facilité à parlementer et à influencer. Mais je ne suis pas faite pour exécuter les missions typiques, je suis plus fine, plus rusée que la plupart ; mon talent est désormais plus maitrisé par notre chef, et je ne joue plus qu’en de rares occasions à aller régler des comptes. Non, je suis plutôt de celles qui négocient et travaillent à l’arrière-plan, mais je reste primordiale dans le grand jeu d’échec que mon père monte jour après jour et où notre suprématie sur la ville n’est qu’une question de temps … Et d’argent … Deux notions que je maîtrise à la perfection …

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