Les retrouvailles d'un passé douloureux

Je posais les pieds sur le sol, le regard vague, mes yeux étaient pourtant posés sur le sol mais je ne voyais rien. Tout était flou autour de moi, les sons, les images, je ne ressentais qu’un vide immense que je peinais à combler. Mes doigts serrés  la couette à la recherche d’un appuie tangible dans cette mer d’incertitude. La tête basse, mes longs cheveux noir cachés à moitié mon visage troublé par les images défilant devant mes yeux, mon corps se couvrait d’une fine pellicule de sueur alors que chaque muscle était tendu au maximum me faisant souffrir.

J’étais perdu dans les limbes de mes rêves et cauchemars, ou plutôt non, de mes souvenirs, oui c’est ça, des souvenirs que j’aurai souhaité oublier. Les cris, les coups de feu, la douleur, le feu, mon dos me tiraillait et pourtant je me savais guérit ce n’était rien de plus que les réminiscences de mes souvenirs qui me causé une douleur physique. Mes oreilles bourdonnaient, ma tête tournait je me sentais partir en arrière alors que mes yeux voilés semblait se fermé du à la pression que je venais de vivre. C’est ainsi que je sombrais dans une inconscience salutaire pour mon corps qui peinait à supporter cet amas de douleur.

J’ouvris les yeux quelques heures plus tard, me comparant à un hibou je ne bougeais pas de ma position, les bras en croix les jambes pliés contre le matelas de mon lit, je n’avais qu’ouvert mes yeux sur le plafond en grimaçant. Même ma respiration était douce, lente, presque silencieuse comme si je dormais. Le soleil passait déjà par mes volets et je soupirais, cette année encore cette journée serait dur… Il aurait été étonnant que cela soit le contraire. Je me levais alors et commençais à vivre comme un automate : manger, laver la vaisselle, prendre une douche, s’habiller. Tout en parfaite synchronisation, je me laissais guider par des années de mise en pratique pour éviter de faire face à la réalité amère. C’était le jour de l’anniversaire de mon mariage, et j’étais une nouvelle fois seule…

Je savais bien que si cette journée serait dure la prochaine dans quelques semaines fêtant l’incendie et le massacre de Brideport allait être pire pour moi, pourtant j’espérais chaque année que cela cesse. Que toute cette douleur finisse un jour par se tasser et me laisser en paix. Mes pas me menaient comme toujours à mon bar, mes clients habituels me regardaient compatissant, presque avec pitié et cela m’enragea pourtant je n’avais ni l’envie, ni la force pour les remettre à leurs places. C’était bien le seul jour où j’acceptais de me montrer aussi faible.

Ainsi la journée passa lentement, sans aucun soucis outre les petits problèmes sans grand incident que Kyoya réglais pour moi. J’étais à la réserve dans le sous-sol du bar lorsqu’un nouveau client arriva, je ne fis pas attention aux messes basses des habitués, ni même vraiment à l’arrivé du client, je remontais seulement mon fût de bière, gardant un sourire factice aux lèvres. Un sourire si faux que même un inconnu pourrait aisément le voir. Encore de dos je n’avais pas encore vu le client qui avait pris place au bar, il pouvait voir sans honte une partie de la brûlure dans mon dos visible grâce à mon débardeur alors que je lui servais l’habituel couplet :

-Bienvenu au Dal Riata, je suis à vous dans quelques instants.

La voix qui répondit à ma simple phrase habituelle me fit stopper mon mouvement, je serré mes dents contre ma lèvre inférieure secouant ma tête pour arrêter de trembler. Si je venais à imaginer sa voix… Je n’allais surement pas tenir jusqu’à la fin de la soirée. Je fermais un instant les yeux et je me laissais à un fantasme vain et idiot, bon qu’à me faire souffrir, mais pourtant si agréable sur le coup. J’imaginais encore et encore cette voix en boucle dans ma tête, les grains et les intonations étaient plus froide, plus dépressive, plus triste mais pourtant j’aurai pu jurer que c’était celle d’Ethan, jouant nerveusement avec mon anneau autour de son doigt je poussais un long soupire de tristesse et de plaisir.

Je poussais le fût de bière pour l’installer, avant de saisir deux verres et une bouteille de mon plus fort alcool, si cet homme déprimait je pense que j’avais bien le droit à un verre aussi. J’avais encore la tête basse ne voyant que ses mains gantés qui me provoquait un frisson, je déglutissais difficilement, putain mais je me tapais des hallucinations aujourd’hui ? Je versais le liquide ambré dans les deux verres prenant le mien entre mes doigts tremblant je tapais doucement contre son verre avant de remonté enfin mon visage vers le sien.

Si je n’avais pas beaucoup changé en quinze ans outre mes cheveux désormais plus long et sans frange, un visage plus fin et une cicatrice dans le dos…l’homme qui était devant moi aurait pu être le portrait craché de mon compagnon. Les traits de son visage que j’avais si souvent parcourut de mes doigts étaient si semblable, même si les contours de ses yeux étaient plus froid, plus tiré j’avais l’impression de revoir cet adolescent avec qui je faisais les quatre cents coups. Je reposais brutalement mon verre sur le comptoir en bois, mes oreilles sifflaient tellement que je me fichais pas mal des bruits environnant. Mes pupilles se dilataient et ma bouche se faisait plus pâteuse.

-E…E…Ethan ?

Je n’arrivais pas à prononcer plus que ce simple prénom, évidemment je m’attendais à une moue contrarié de se faire appeler autrement, et moi a une profonde déprime en ayant eu l’impression de revoir le seul homme que j’avais aimé. Mais pourtant….pourtant, je ne pouvais empêcher mon cœur de battre à tout va, mes doigts fourmillant d’impatience de pouvoir le toucher. Je vivais un rêve ou un cauchemar et je savais que j’allais devoir me réveiller, mais pour une fois, juste une fois je voulais continuer à profiter de ce rêve.

Il remontait son regard et dieu que cela me paraissait être d’une lenteur exagéré, je voulais qu’il accélère qu’il me dise une bonne fois pour toute qu’il n’était pas celui que je pensais et que je m’étais encore fourvoyez auprès de fantômes et fantasmes comme depuis près de quinze ans déjà. Je me figeais voyant à présent son regard, il devait être aussi troublé que le mien, ses yeux, légèrement gris, non je ne pouvais me trompé, pas avec un regard comme celui-ci. J’ouvrais alors mes lèvres pour pousser un petit cri de surprise le voyant hocher.

Mon corps entier tremblait de la tête au pied et je dû faire violence pour que pas sombré dans les méandres d’un malaise dû à la pression qui venait de redescendre d’un coup avant de remonter en comprenant que j’avais bien à faire à Ethan. Mon Ethan, l’homme avec qui j’avais passé plus de la moitié de ma vie, l’homme que j’avais épousé et dont l’anneau orné toujours mon doigt. Sa voix, mon prénom dans sa bouche tout me faisait chavirer, j’hésitais entre pleure, cris, joies, rage. Je ne put répondre à sa première phrase, hochant seulement la tête.

Comment j’étais là ? Non comment lui étais là ? Mes larmes fuyaient de mes yeux mais plus des larmes de tristesse seulement celle de joie, d’un bonheur infini que je n’arrivais pas à décrire. Sa bague, je la voyais très bien et mon cœur fit un bond en voyant la jumelle que je portais depuis plus de quinze années. Je posais ma main à mon tour près de la sienne m’approchant de son visage alors qu’il prononcé mon vrai nom de famille…le sien me faisant ainsi frissonner.

-Ethan, c’est bien toi…oh mon…

Je fus prise d’un horrible doute, avais-je encore le droit de l’appeler ainsi ? Encore le droit de le toucher, de me prétendre être sa femme après tout ce temps. Avait-il refais sa vie ? Je secouais ma tête, non il avait gardé notre alliance, et tout comme lui j’avais souffert du massacre de nos deux familles et de la destruction de l’ancien bar de mes parents ou je m’étais retrouvée coincer. J’avais eu de la chance je m’en étais sortie qu’avec une brûlure dans le dos, mais j’avais tout perdu. Je chancelais alors que je m’approchais jusqu’à coller mon front contre le sien dans un geste presque intime.

-Mon amour….tu es enfin rentré à la maison…

Je ne pouvais dire que ça, je ne savais pas ce qu’il c’était réellement passé il y a quinze ans et je ne voulais pas savoir, je faisais clairement l’autruche et cela m’allait très bien, me permettant ainsi de garder le contrôle de la zone neutre et d’offrir à certaines personnes voulant quitter les familles protections et soutient. Ou avait-il pu aller ? Qu’est-ce qu’il avait fait ? Je mourrais t’envie de le savoir mais avant tout je voulais garder encore le simple contact de sa peau sur la mienne, ma main venant doucement effleure la sienne, presque timidement.

Nos corps étaient peut être ravis de ces retrouvailles, mon cœur aussi, mais je me sentais si faible et si désemparé que j’agissais comme une collégienne qui ne savait pas quoi faire pour attirer l’attention du garçon qu’elle aime. Je me reculais à regret pour zyeuter Benjamin près de la porte, c’était un ami qui m’avait beaucoup aidé par le passé, je bougeais ma tête vers les habitués pour qu’il comprenne que j’avais besoin d’intimité. Je n’étais vraiment pas en état de conserver avec d’autres hommes que celui en face de moi.

Revenant vers lui je pris franchement sa main dans la mienne nos anneaux se frottant l’un contre l’autre. Je continuais de pleurer silencieusement tout en gardant un sourire éblouissant. Mon autre main s’avança vers son visage frôlant sa joue. Je ne fis pas attention aux raclements de chaises sur le sol, ni même à la porte fermer par Benjamin. Non, j’étais totalement soumise au regard de mon compagnon, mais je dus sentir que nous étions seul car mon envie de l’embrasser fut soudainement plus forte que ma timidité passagère et j’écrasais mes lèvres contre les siennes après plusieurs années sans avoir touchés sa peau.

-Oh Ethan…pro...prononce le encore....mon nom...notre nom

Il m’embrassait à nouveau, j’en frissonnais de plaisir, comment avais-je pu croire un seul instant que j’avais réussi à tourner la page ? Que je vivais à nouveau même de façon bancale ? Il avait toujours était mon souffle de vie et aujourd’hui encore il me le prouvait par ses gestes. Son visage était tiré je le voyais luttait, contre lui-même ? Contre moi ? Contre quoi ? Je voulais seulement effacer la brillance dans ses yeux ou culpabilité et angoisse se mêlée. J’étais égoïste, terriblement égoïste, je voulais arrêter de souffrir et juste ce soir, oubliez les quinze ans qui nous avez séparés, oubliez que nous avions passé autant de temps l’un sans l’autre. Je voulais seulement pouvoir le retrouver.

Mais il ne semblait pas du même avis alors que je le voyais reprendre la conversation dans une tournure qui ne me plaisait pas. Non cela ne me plaisais pas de sentir sa main serrait dans la mienne vibrait par les tremblements de ses aveux, de son visage qui enfin lâcher par des larmes de tristesse son passé sans moi, de ses mots qui me faisait froid dans le dos. J’étais désemparée, acculé dans une position que je n’aimais pas. Qu’allais-je dire ? Qu’allais-je faire ? Ce n’était qu’une affaire de quelques secondes mais tout tourbillonnais en moi à une rapidité folle. Je réfléchissais à ce que j’allais répondre évitant d’être sous le coup de la surprise ou de la colère, ou tout autre sentiment négatif. Je me devais d’être impartiale comme toujours.

Pourtant il ne fallut que son je t’aime pour me faire à nouveau flancher, je poussais sa main pour observer son regard et je l’embrassais avec force, douceur, envie, impatience, amour avant de reculer et de souffler tout bas. C’était presque comme un aveu impulsif de ma part mais tous mes mots étaient dits avec conviction.

-Pour le meilleur et le pire non ? Ethan… moi aussi j’ai changé, je ne suis plus la même et pourtant je t’aime toujours autant si ce n’est plus…. Oui, j’ai repris le travail de nos parents… tu l’avais compris je pense…

Je caressais sa joue de ma main l’autre toujours dans la sienne la serrant avec tendresse. Dire que je n’étais pas effrayée et surprise serait mentir, mais c’était aussi vrai. J’avais changé, et si…si je n’avais pas eu quelques personnes autour de moi à mon réveil à l’hôpital j’aurais bien pu être animé par le même désir de vengeance et de rage. Je n’étais pas exempte de sentiments bien qu’étant neutre. Et ironiquement je soupirais en me disant  que comme toujours il était l’autre côté de la médaille, mon contraire et pourtant si similaire à moi. J’ouvris à nouveau mes lèvres pour le regarder avec amour.

-Accorde moi…une nuit Ethan, laisse-moi…juste une nuit, pour oublier, t’aimais à nouveau… après nous aviserons…je n’ai pas l’esprit claire actuellement, je suis bien trop heureuse de te voir en face de moi, de pouvoir t’embrasser, je t’en prie ne m’ôte pas ça ce soir… Je n’arriverai pas à m’en remettre…

Egoïste, j’étais égoïste, je le mettais une nouvelle fois au pied du mur sans possibilité de refus, je jouais la carte de la nostalgie, de l’amour et je savais qu’il ne résisterait pas…je n’aurais pas résisté non plus. Pourtant je voulais seulement effacer ses mots, je ne voulais pas y penser, je fermais avec force mes yeux, non je ne voulais pas qu’il me laisse une nouvelle fois, qu’importe ce qu’il était devenu j’étais prête à tout pour le garder à mes côtés tant que cela signifiait qu’il ne me laissait plus. Les images de l’incendie, le bruit des coups de feu, tout remontait violemment en moi me faisant trembler. Je ne tombais pas juste parce que mes mains étaient en train de le tenir, mais ma tête tournait et l’angoisse de cette nuit me frappa de plein fouet. Juste cette nuit, pitié qu’on me laisse une nuit. La vie pouvait être cruelle, m’ôter ma famille, mes amis, l’homme que j’aime, pour que quinze ans après on me le rende et me l’arrache à nouveau ?

Je respirais avec rapidité mon regard bleue voilait par les souvenirs les plus atroces les uns que les autre, je du couinais car seul ce bruit arrivait à passer celui de mes images d’un passé douloureux. C’était le contre coup de ces retrouvailles, et pourtant je ne regrettais pas, qui pourrait le regretter ? Je savais l’homme que j’avais épousé, mon mari, mon ami, mon amant, mon compagnon de toujours en vie, et en face de moi. Je murmurais difficilement.

-Reste….je t’en supplie…laisse-moi juste être Syara Raven cette nuit…

Presque un appel au secours, je reprendrais mon rôle demain, celle de Syara O’Ceallaigh, dirigeante de la zone neutre, patronne du bar Dal Riata, veuve d’Ethan Raven, qui avait repris son nom de jeune fille pour montrer que son clan vivait toujours, gardant jalousement mon état civil secret comme pour le préserver. Oui demain, demain je pourrais avoir peur, me dire qu’il devra partir et me combattre surement, combattre les hommes que je protège dans un simulacre de neutralité… Demain…mais cette nuit je voulais juste être sa femme….comme j’aurai dû l’être il y a quinze ans.